Les psychopathes et la psychopathie

 

De nombreuses personnalités psychopathes ne sont pas diagnostiquées parce qu’elles entretiennent un masque social qui dissimule leur trouble et leur permet de se fondre dans la société. En outre, bon nombre de ces personnes affectées semblent fonctionner conformément aux normes et de réussir socialement.

Les psychopathes ont été observés et décrits par la psychologie depuis longtemps. Leur présence dans la société humaine a un effet profond sur le reste d’entre nous qui en sommes perturbés, épuisés, traumatisés. Même si ces individus ne constituent qu’un petit pourcentage de la population* ils drainent nos énergies ou nos comptes bancaires et troublent nos relations. Ils peuvent empêcher  nos réalisations et abaisser notre estime de soi.

Dans sa forme la plus sévère, les psychopathes, sont des prédateurs sans conscience morale. Ils peuvent exprimer certains sentiments, mais en fait, ils n’ont aucune émotion. Ils ne se lient profondément à aucun être vivante. En raison de leur détachement émotionnel chronique et de leur pulsion sadique, ils agressent sans inhibition lorsque leurs désirs sont contrariés. Leur seul but relationnel est de dominer leurs autres.

American psycho -psychopathe ou psychopathie expliqués par psychologue paris

American Psycho, le roman de Bret Easton Ellis, écrit en 1991 et adapté au cinéma, raconte le train de vie et les passages à l’acte violents d’un flamboyant youppi, beau, riche et intelligent, et psychopathe à ses heures perdues.

La plupart de gens se représentent les psychopathes comme ces êtres violents, meurtriers, qui ont manifestement enfreint la loi à plusieurs reprises, et qui par conséquent remplissent les prisons. Il y aurait même, selon certains manuels, un lien causal entre personnalité psychopathique et délinquance. Le DSM souligne leur non-conformité aux normes sociales dont témoigne des actes qui constituent des motifs d’arrestation, leur impulsivité et l’incapacité de planifier, l’irresponsabilité ainsi que le manque de remords. Le passage à l’acte délinquant serait la seule possibilité de décharge pour toutes leurs tensions psychiques.

Mais ces psychopathes criminels, doivent être considérés comme des « psychopathes ratés ».

 

La psychopathie en tant que style de personnalité

En effet, bon nombre de psychopathes sont au contraire bien intégrés dans la société, semblant parfaitement adaptés. Pourtant une différence profonde existe entre nous et les psychopathes : ils n’ont pas de conscience du bien et de mal. Par conséquent, ils ne sont pas dérangés par des remords car ils ne ressentent pas de culpabilité : ils peuvent donc mentir, blesser ou voler sans le moindre état d’âme. Le psychopathe n’est jamais névrosé, ne doute jamais de lui-même, n’éprouve pas d’angoisse.  En apparence il a tous les traits que les gens « normaux » recherchent.

Il y est donc assez aisé pour des personnes aux traits psychopathiques d’arriver dans les couches sociales supérieures. Ils sont suffisamment intégrés sur le plan identitaire et ont un bon encrage dans la réalité. Ils possèdent également des capacités à utiliser des mécanismes de défense plus matures. Cela leur permet de dissimuler leurs principales façons de penser essentiellement antisociales. Ils sont des prédateurs bien organisés qui peuvent planifier les malveillances à des fins de gratification personnels. Leur violence affective voilée sous plusieurs couches de manipulation, reste prédatrice. S’ils ne commettent pas d’assassinats physiques, ils exécutent politiquement, achèvent économiquement, et condamnent à la mort sociale.

Les psychopathes sont parmi nous

Un bon nombre de psychopathes vivent donc parmi nous et ne se font jamais prendre en train d’enfreindre les lois. Ils ne se font pas attraper parce qu’ils ne connaissent pas d’émotion et sont imperturbables, ils agissent donc froidement. C’est pourquoi ils sont très efficaces et causent des dommages et des traumatismes dans leurs familles ou dans leurs entreprises. Ils peuvent être médecins, avocats, juges, policiers, membres du parlement, présidents. C’est à des niveaux élevés de société qu’ils sont encore plus dangereux quand ils manipulent les autres pour les garder sous emprise.

Ainsi la psychopathie ne se limite pas à l’engagement dans des activités illégales. Elle englobe plutôt des traits de personnalité tels que la manipulation, le manque de sincérité, l’égocentrisme, l’irresponsabilité persistante ou encore le manque de culpabilité. Un prototype de personnalité psychopathique implique une combinaison de relations interpersonnelles dominantes, froides et superficielles. Ils agissent avec une froideur émotionnelle que Reid Meloy qualifie de reptilienne.

Certains hommes qui réussissaient très bien ont des traits essentiellement psychopathiques, et notamment un surmoi déficient qui autorise une indifférence impitoyable envers les autres. Cela peut rendre les réalisations compétitives plus faciles pour eux qu’elles ne le sont pour ceux qui sont capables de loyauté, d’empathie et de réflexion.

Les caractéristiques psychopathiques sont présentes chez certains criminels mais aussi chez certains conjoints, parents, patrons, avocats, politiciens, pour n’en nommer que quelques-uns.

Comment reconnaitre un psychopathe réussi ?

psychopathie regard menaçant noir« Aimable », « intelligent », « alerte », « impressionnant », « charismatique », « inspire confiance » … Charmant, il a « beaucoup de succès auprès des femmes ». Voilà l’image que donne le psychopathe à succès. Mais derrière ce masque, il s’agit de ne pas omettre sa tendance à manipuler, son manque de sincérité ni son égocentrisme. Un manque de remords ainsi qu’une tendance à la fois à la domination et à la froideur caractérisent les psychopathes.

Ils peuvent être sujets à des accès de colère et à l’irritation. Prêts à exploiter les autres, ils sont donc manipulateurs, cyniques, exhibitionnistes, à la recherche de sensations ou encore machiavéliques.  Toutes ses modalités constituent la défense inconsciente face à la menace que constitue pour eux la relation. Mais ils utilisent la manipulation consciente comme principal moyen d’éviter l’anxiété et de maintenir l’estime de soi.

Ils sont en hyper-vigilance voire même avec un vécu de persécution. Pour s’en protéger vont persécuter les autres.

En ce qui concerne leur modèle d’échanges sociaux, ils s’attribuent un statut élevé, se considérant comme dignes et importants. En revanche, ils n’accordent ni statut ni importance aux autres, les considérant non pas comme des sujets mais comme des objets indignes et insignifiants. Ceci sous-tend le manque de conscience morale du psychopathe, mettant en évidence non seulement un surmoi défectueux mais aussi un manque d’attachement à d’autres personnes. Pour un psychopathe, la valeur des autres se réduit à leur utilité pour assoir leur contrôle omnipotent et le pouvoir lequel est central pour leur estime de soi. Le manque de surmoi bien constitué pousse le psychopathe à commettre les actes transgressifs afin de se sentir tout-puissant plutôt que faible et mauvais.

 

Comment deviennent-ils psychopathes ?

L’hypothèse principale est que le psychopathe souffre d’un déficit affectif profond lié à des carences affectives précoces. S’il sent quoi que ce soit, ce ne sont que des émotions superficielles. Il est issu du milieu pauvre voire malade sur le plan affectif et a souvent été négligé affectivement ou parfois abusé dans son enfance. Il a dû s’adapter à un milieu affectivement défaillant ou hostile, ce qui lui a permis de développer des grandes capacités d’observation et d’analyse des relations interpersonnelles. Ce qui explique son hyper-vigilance grâce à laquelle il domine son partenaire ou son adversaire.

Le développement harmonieux de l’enfant dépend de la présence des adultes aimants, fiables et sensés, sachant donner à l’enfant le sentiment de sécurité et fixer des limites. De tels parents sont pour l’enfant des puissants objets de soutien contenant et structurant. Mais lorsque les objets extérieurs échouent, le seul objet dans lequel l’enfant peut investir émotionnellement est le soi et son pouvoir personnel.

La famille du psychopathe et son désordre émotionnel

De plus, des parents défaillants ne sont généralement pas reconnu dans la différence des sexes et des générations par cet enfant et lorsqu’il cette différence fondamentale est reconnue, elle n’est pas structurante.

Dans ces familles défaillantes, les enfants ne peuvent pas apprendre les sentiments de la manière comme la plupart d’entre nous, ils sont donc prédéterminés à devenir antisociales. Le discours émotionnel est pour eux une sorte de « seconde langue », utilisée pour manipuler les autres plutôt que pour exprimer des sentiments ou des état intérieurs. Les psychopathes ont donc une mauvaise régulation de l’affect et un seuil d’excitation supérieur à la moyenne et ne peuvent pas ressentir de satisfaction émotionnelle de l’expérience esthétique, de l’amour ou de la beauté naturelle. Ils peuvent avoir besoin d’une expérience extrême pour se sentir vivants. Ce qu’ils ressentent, est aussi très intense et leurs affects sont massifs : soit une rage aveugle, soit une exaltation maniaque.

 

Un enfant à risque d’évolution psychopathique

Ces enfants présentent alors un degré d’agressivité qui les rendrait difficile à réconforter et à calmer. Ils deviennent hyperactifs, distraits, têtus et peuvent développer des troubles du comportement et des conduites de risques. En conséquence, ces enfants ont besoin de parents beaucoup plus présents et actifs qu’un jeune placide facilement consolable.  En fait, plus l’environnement d’un enfant est chaotique, plus les parents sont inadéquats, plus il est probable que le jeune ne se heurtera à des limites structurantes. Alors que ces limites sont nécessaires pour assurer le sentiment de sécurité de l’enfant. En effet, poser une limite apprend à l’enfant de tempérer ses actions impulsives.

Être considéré comme un enfant difficile est associé à des critiques et brimades constantes ainsi qu’à des conflits avec des adultes qui mènent inexorablement à l’abaissement du sentiment de sa propre valeur. Les fragilités narcissiques sont donc profondes.

La condition d’être considéré comme un enfant à problèmes rendrait très difficile l’acquisition de l’empathie. N‘ayant pas d’empathie, ne pouvant pas ressentir de remords, le psychopathe est capable de faire ce qu’il veut, réaliser chacun de ses désirs ou envies sans se poser la moindre question sur les conséquences de ses comportements et sans ressentir de culpabilité. Des conséquences qui rempliraient d’ordinaire un homme de honte, de dégoût de soi et d’embarras n’affecte pas du tout le psychopathe. Ce qui serait pour les autres une horreur ou un désastre n’est pour lui qu’un inconvénient passager.

 

Peuvent-ils guérir ?

L’une des difficultés du traitement des individus psychopathes est que le clinicien peut pas s’attendre à faire une alliance thérapeutique basée sur les sentiments présumés de ce client.

Les principaux mécanismes de défense chez les personnes psychopathes sont des mécanisme du contrôle omnipotent. La nécessité d’exercer le pouvoir prime sur tous les autres objectifs. Ils utilisent également l’identification projective, le clivage et le passage à l’acte. Ces mécanismes protègent le psychopathe contre les sentiments de culpabilité et de honte mais l’empêchent totalement de nouer un lien émotionnel à une autre personne entravant ainsi la relation psychothérapeutique.

La nécessité d’exercer le pouvoir se manifeste chez le psychopathe par une manipulation consciente et délibérée visant à utiliser les autres. Kernberg utilise le terme de « grandiosité maligne » pour décrire les efforts de psychopathes pour triompher sadiquement sur l’autre par le sabotage de la psychothérapie. Ce sabotage est effectué tout particulièrement par des passages à l’acte. En fait la relation peut être une source de terreur et de rage pour un psychopathe, il l’empêchera d’advenir.

Une personne psychopathe projette sur son thérapeute son propre besoin de contrôle et en conséquence il craint que le clinicien a l’intention d’utiliser le patient à ces propres fins. N’ayant eu aucune expérience émotionnelle positive, d’amour ou de sympathie, le patient antisocial n’a pas de moyen d’envisager la générosité de l’interaction du thérapeute.

Les psychopathes sont considérés comme intraitables et la psychothérapie individuelle est non seulement futile mais peut s’avérer dangereuse pour le psychothérapeute.

 

Le psychopathe – l’escroc moderne

Les classifications modernes des affections psychiques, le DSM et le CIM ont remplacé la psychopathie par le trouble de la personnalité antisociale ou personnalité dyssociale. La psychopathie a été donc rangée dans les troubles de la personnalité. Cependant, la psychopathie engage une organisation limite de la dynamique psychique, avec une importante composante narcissique. Le terme « antisociale » met accent sur les conséquences du comportement de la personne sur les autres alors que le terme psychopathie se réfère plutôt à son fonctionnement psychique interne.

La psychopathie est assez courante dans la société. Les psychopathes ne viennent pas uniquement de milieux urbain pauvre qui constituent des populations carcérales. Des psychopathes réussis fonctionnent généralement dans la communauté en tant qu’hommes d’affaires, hommes politiques, médecins et même psychiatres.

Certes, il y a toujours eu des escrocs. L’escroc moderne est souvent un homme hypersophistiqué qui aime le monde des affaires et la politique. Il sait analyser froidement les peurs des autres ce qui lui permet de les manœuvrer à sa guise.

Dans un livre publié en 2006 Snakes in Suits: When Psychopaths Go to Work, le psychologue du travail et des organisations Paul Babiak et le psychologue Robert Hare décrivent le fonctionnement des psychopathes dans le contexte professionnel. La rationalisation des torts ou des mauvais traitements qu’ils infligent aux compétiteurs les maintient dans une indifférence imperturbable.

* On peut voir des estimations autour de 5 pour cent. La grande majorité d’entre eux seraient des hommes (plus de 1/10 d’hommes contre environ 1/100 de femmes). Compte tenu du modèle occidentale contemporaine selon lesquelles un parent seul suffit pour élever un enfant, nous enverrons peut-être beaucoup plus de psychopathes dans l’avenir.

La psychopathie et les psychopathes expliqués par le psychologue

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