Pour la première fois, j’ai vécu fortement le syndrome de l’imposteur lorsque j’ai eu l’idée d’un projet totalement innovant. Mais prendre la décision de partager cette idée avec les autres s’est avéré extrêmement difficile. Il y avait une voix dans ma tête : « Pour qui tu te prends ? », « Tout le monde va découvrir que tu ne sais pas ce que tu fais. » Je me sentais comme un imposteur et je manquais de confiance en moi. Le syndrome de l’imposteur devenait de plus en plus fort, il m’asservissait.
Mais d’où vient donc cette voix qui souffle tous ces messages négatifs sur soi-même ?
La personne a parfois grandi avec le sentiment d’être sans valeur, inutile, pire que les autres et bon à rien. Et même si elle est incroyablement assoiffée de mots chaleureux, elle n’arrive pas à y croire pleinement. L’image de soi négative est si forte que la personne sent comme une fraude lorsque les autres l’apprécient ou la récompensent. Elle se dénigre et croit que lorsqu’elle réussit c’est grâce au facteur chance et non grâce à ses propres efforts. Le sentiment d’être illégitime s’installe et bloque la personne dans sa vie professionnelle mais aussi dans les relations personnelles.
Un surmoi défectueux car trop dur
Ces patients souffrent de trop de commentaires intérieurs concernant leur propre valeur et leurs qualités. La différence entre la bonté ou la méchanceté est importante à assimiler. La capacité de les distinguer différencie les gens « normaux » ou normalo-névrotiques des psychopathes. « Bon » ou « mauvais » sont des qualificatifs que nous entendons dès la plus tendre enfance. « Soi gentil, dis-bonjour à la dame » … « C’est bon ou pas bon » c’est bien ou pas bien » … « Tu peux mieux faire »… L’enfant est soumis à un constant jugement qui découle de la nécessité pour les parents de bonne éducation. Mais lorsque ces jugements sont dévalorisant, ils peuvent avoir des conséquences néfastes. Surtout lorsque les opinions critiques viennent avec un « jamais » ou un « toujours ».
Ces critiques intériorisées peuvent donner en conséquence un surmoi trop dur. Ce surmoi rigide et punitif, engendre de l’auto moralisation et de l’auto critique que nous pouvons qualifier de masochisme moral. Il est à l’origine du perfectionnisme, des exigences démesurées, des doutes constants. Il peut pousser à fixer des objectifs inatteignables mais aussi à un recul face aux objectifs.
Le syndrome d’imposteur est le reflet d’un surmoi tyrannique. Et les voix intérieures qu’entend la personne avec un syndrome d’imposteur, sont des interventions surmoïques. La petite voix qui lui chuchote à l’oreille : « T’es pas bon » ou « t’est pas suffisamment bon » appartient au parent interne critique. Cela peut mener la personne à reculer face aux exigences, à la procrastination et à l’auto-sabotage.
Un sentiment de culpabilité
Une autre conséquence du surmoi tyrannique est le sentiment de culpabilité. La culpabilité est le sentiment d’avoir commis des crimes ou des actes répréhensibles. La personne ne se sent pas seulement imposteur mais également coupable d’un crime qu’il a du mal à identifier mais dont il est sûr de l’avoir commis. Elle se sent être un monstre que personne ne soupçonne encore mais qu’ils vont tous découvrir.
L’anxiété et la racine du syndrome de l’imposteur
Le syndrome de l’imposteur est une de manifestations de l’anxiété. Une personne anxieuse a souvent une image déformée et peu avantageuse d’elle-même. Elle appréhende donc les échecs potentiels et peut avoir des interprétations catastrophiques de la réalité. Il lui est donc difficile parfois d’accepter les informations positives sur soi et elle peut se sentir gênée d’entendre des compliments ainsi que les messages positifs de l’environnement. Par conséquent, ils persistent dans le jugement critique de soi-même malgré les preuves évidentes de leurs capacités, de leurs compétences et même de leurs succès.
La personne manque de confiance en soi, doute en sa valeur et remet en cause ce qu’elle fait mais aussi ce qu’elle est.
Le perfectionnisme
Une autre conséquence d’un surmoi tyrannique est le perfectionnisme.
Un perfectionniste n’est jamais assez satisfait de lui-même, il a toujours le sentiment que ce qu’il fait pourrait être de meilleure qualité. Le perfectionniste est son plus grand critique. Il va donc sans cesse changer et peaufiner son travail ou, au contraire, il procrastine afin d’éviter de se confronter à la tâche. Car la crainte de délivrer quelque chose d’imparfait l’envahit tellement qu’il renonce à toute action.
Un perfectionniste est très souvent un adulte qui a été un enfant ayant souvent réussi, talentueux et en avance sur ses pairs dans de nombreux domaines. Il a donc été loués, récompensés mais aussi stimulé par les parents, les professeurs et d’autres adultes. A première vue, il n’y a rien de mal à cela et on a l’impression qu’il s’agit de ressources qui ne peuvent qu’affecter positivement la vie d’un individu. Cependant, l’éducation dans une telle atmosphère donne à l’enfant et au futur adulte le sentiment qu’il doit être parfait, qu’il doit être le meilleur. S’il ne l’est pas, il ne méritera pas l’amour ou la reconnaissance de l’environnement.