La soumission à l’autorité

Le monde peut être un endroit déroutant. Les gens font des choses qui n’ont aucun sens, ils pensent des choses qui ne sont pas étayées par des faits et attaquent violemment ceux qui essaient d’attirer leur attention sur ces paradoxes. Si vous vous êtes déjà demandé quels en sont les raisons, vous êtes au bon endroit pour approfondir votre réflexion.

Les expériences psychologiques qui révèlent notre fonctionnement

Les termes de dissonance cognitive, de soumission à l’autorité, de diffusion des responsabilités ou encore d’impuissance acquise sont des expressions qui reviennent régulièrement, mais d’où viennent-ils et que signifient-ils ?

 

Eh bien, voici d’importantes expériences de psychologie sociale qui décrivent et analysent la manière dont les gens pensent ou réagissent dans certaines situations. L’expérience de Stanley Milgram, celle de Philip Zimbardo, ou encore l’expérience de Asch, expliquent comment fonctionne le monde qui nous entoure et comment nous nous sommes retrouvés dans ce pétrin.

Experimenter – un film biographique américain écrit et réalisé par Michael Almereyda, sorti en 2015

Commençons par l’expérience la plus célèbre…

 

L’expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité

À partir de 1963, le professeur de psychologie sociale de l’université de Yale, Stanley Milgram a mené une série d’expériences dont le but était d’évaluer le comportement lié à la soumission à l’autorité.

Les sujets de cette expérience sont mis en situation de devoir infliger à d’autres une décharge électrique d’intensité croissante provoquant une douleur physique et allant jusqu’à la décharge mortelle.

L’expérience met en évidence la difficulté pour un sujet de désobéir aux ordres. Cette difficulté est la base du processus d’asservissement.

A travers son expérience Milgram essaie de comprendre dans quelles conditions les sujets se soumettent à l’autorité malgré un fort conflit intérieur que cela suscite en eux. Lors du recrutement, il a été demandé aux sujets s’ils accepteraient d’obéir aux ordres dont les conséquences seraient nuisibles aux autres. Tous ont répondu par la négative.

Pourtant, soumis aux ordres de l’expérimentateur, environ 60% d’entre eux obéit avec docilité aux ordres de l’expérimentateur, malgré le conflit éthique.

 

Les conditions de l’expérience de Milgram

Les conditions de l’expérience changent légèrement dans la série réalisée par Milgram mais leur base est simple. L’expérience comporte un sujet A, « naïf » qui doit effectuer un test d’apprentissage sur le sujet B lequel est en fait un complice de l’expérimentateur. Le complice joue le rôle de la victime, se trompe dans ses réponses, pousse des cris de douleurs. L’expérimentateur  demande au sujet naïf d’administrer un choc électrique lorsque l’élève fait une erreur. Afin d’inciter le sujet à obéir aux ordres il lui avait été expliqué que, selon plusieurs théories psychologiques, la punition exerce une influence positive sur les mécanismes de l’apprentissage.

Bien sûr, les décharges électriques ne sont pas réelles. Mais les élèves-acteurs pleurent, appellent à l’aide ou font semblant d’être inconscients lorsqu’ils sont censés recevoir les chocs intenses. Tandis que le sujet A, naïf car il ignore le subterfuge, est encouragé par l’expérimentateur en blouse blanche qui représente l’autorité à continuer les chocs. La grande majorité des sujets ont poursuivi le test et administré des chocs électrique mortels, malgré la souffrance perçue de l’élève.

 

Dix-huit variantes de l’expérience de soumission à l’autorité

Dans la première version de l’expérience, le sujet est séparé de l’élève dont les réponses apparaissent sur un écran. Il perçoit les réactions aux électrochocs à travers un mur : cris d’agonie, coups violents sur le mur, puis le silence lorsque les électrochocs dépassent 375 volts.

65% de sujets ont obéi aux ordres de l’expérimentateur d’appliquer la décharge létale malgré un fort conflit intérieur et le désir d’arrêter. En fait, ce que l’expérimentateur exige d’eux s’oppose à leurs principes moraux et ils n’arrivent pas à obéir à leur conscience.

Dans d’autres variantes de l’expérience de Milgram les conditions changeaient afin de tester différents facteurs pouvant influencer le comportement des sujets. Les sujets furent placés tantôt dans la même pièce que l’élève, tantôt ils devaient prendre l’élève par la main. Tandis que l’expérimentateur fut parfois sec et autoritaire et parfois doux et bienveillant.

Milgram a déplacé l’expérience de son prestigieuse université vers des locaux commerciaux délabrés d’une ville industrielle. Dans cette variante, afin de vérifier l’influence du soutien institutionnel, il expliquait aux sujet que les experiences sont menées par un organisme privé pour le compte d’un groupe industriel

Les sujets des différentes expériences sont passés, selon les situations dans lesquelles ils se sont trouvés, d’un taux d’obéissance allant de 10% à plus de 90%.

Les sujets qui se sont rebellé, ont évoqué les raisons de nature éthique, philosophique ou religieuse, pour mettre un terme à leur participation dans l’expérience.

Chez les sujets soumis, le sentiment s’est dissout au profit de l’exigence que formule une instance plus haute, considérée comme légitime. Le bon déroulement de l’expérience scientifique justifie la soumission. La légitimité perçue de l’autorité provoque le sentiment d’obligation d’infliger la douleur à autrui malgré les convictions personnelles.

 

La dialectique du maître et du serviteur

Pour l’immense majorité des sujets de l’expérience de Milgram, l’obligation à laquelle ils se sentaient tenus d’infliger des électrochocs s’accompagnait de manifestations d’anxiété, qui traduit une véritable « souffrance éthique. En effet un nombre marginal de sujets était indifférent à la souffrance infligée à la victime. Pourtant, ils étaient incapables d’agir en accord avec ce sentiment moral et que le devoir d’obéissance prévalait sur leur conscience. C’est en effet ce dilemme de l’obéissance – le conflit entre l’obéissance à soi et l’obéissance aux ordres

Milgram distingue deux types de sujets selon qu’ils se plaçaient eux-mêmes dans les conditions de ce qu’il appelle « l’état agentique» ou « l’état autonome ». Les premiers acceptaient, plus ou moins consciemment, de se considérer comme le simple instrument d’un système d’autorité, ne se tenant plus pour directement responsables de leurs actes. Les seconds, au contraire, refusaient une telle aliénation de leur individualité et gardaient la pleine conscience de leur responsabilité personnelle.

L’état agentique, désigne la condition de l’individu qui se considère comme l’agent exécutant d’une volonté extérieur. Alors qu’un individu autonome estime être l’auteur de ses actes. . Les individus en état agentique se perçoivent non comme des individualités libres et responsables de leurs actes, et qui en répondent devant leur propre conscience, mais comme les agents d’un « système » qui a ses propres lois objectives et qui exige de chacun qu’il agisse de la manière la plus efficace et la plus rationnelle, indépendamment de ses propres sentiments ou convictions.

Les expériences de Milgram constituent le paradigme de la compréhension du phénomène de l’obéissance à l’autorité.

Les applications du processus de la soumission passive

Les applications du processus de la soumission passive à une autorité sont presque infinies dans l’entreprise et dans la société de manière générale. L’obéissance du soldat ou du policier face à l’ordre de tuer au nom d’une autorité qui se réclame du bien, l’obéissance d’un drh qui exécute la décision de licencier des personnes afin d’augmenter des gains économiques de la direction, et tant d’autres… Nous l’observons surtout ces dernières années. Toutes les institutions peuvent utiliser ce phénomène pour faire pression sur les gens afin qu’ils agissent contre leur propre conscience moral. Personnel militaire, policier, hospitalier – partout où il y a une hiérarchie ou une autorité claire, les gens seront la proie de la dilution de leur propre responsabilité.

Dans son article analysant cette expérience, Stanley Milgram a introduit le terme de dilution de responsabilité. Il s’agit d’processus psychologique par lequel une personne peut justifier son action de nuire à quelqu’un si elle pense que ce n’est pas de sa faute, qu’elle ne sera pas tenue responsable ou qu’elle n’a pas le choix.

 

Les psychopathes

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