L’alexithymie – une vie sans émotions ?

L’alexithymie est un néologisme crée dans les années 70 par Nemiah et Sifnoes pour désigner une absence de mots pour nommer les affects. Cependant il s’agit de façon plus large, de l’impossibilité de reconnaître les états affectifs et d’en prendre conscience.

La tristesse, la peur, la joie, la colère ou encore la culpabilité… toute une gamme d’émotions complexes et subtiles ne sont pas accessibles à tous. En effet, certaines personnes rencontrent une difficulté dans la régulation émotionnelle avec restriction marquée dans l’expression des émotions. Elles peinent à trouver les mots pour décrire ses émotions et sentiments mais aussi à les identifier et les différencier chez soi ainsi que chez les autres.

L’alexithymie – le silence des émotions

 

alexithymie psychologue

Photo domaine public

 

L’alexithymie c’est  la difficulté à identifier et à décrire ses propres états émotionnels mais aussi les émotions des autres. L’alexithymie présente une grande variabilité symptomatologique ainsi qu’un caractère transnosographique. Appelée également « l’agnosie émotionnelle », elle est en effet associée à de nombreux troubles psychiques ou psychosomatiques.

Étymologiquement le terme alexithymie signifie l’absence de mots pour les émotions. Il se compose du a privatif, lexis pour parole et thymos – l’âme en tant que siège de l’intelligence émotionnelle. Ce concept d’alexithymie désigne l’absence de mots pour les émotions.

Ce mode de fonctionnement mental se caractérise par

– incapacité à exprimer verbalement les émotions ou les sentiments voire à les  identifier,

– incapacité à différencier ses états affectifs des sensations corporelles liées aux émotions,

– limitation de la vie imaginaire, limitation d’accès à sa vie fantasmatique et l’absence de rêveries,

– une pensée à contenu pragmatique,

– mode d’expression très factuel consistant en une description détaillée des faits, événements ou symptômes physiques,

– recours à l’action pour soulager les tensions, pour éviter ou résoudre les conflits, ou encore pour exprimer les émotions.

Sifnéos distingue d’une part l’alexithymie primaire, comprise comme traits de personnalité ou d’origine neurologique, et l’alexithymie secondaire, d’origine psychique. Cette dernière se serait développé suite à une expérience traumatique subite à l’âge pré-verbal qui entrainerait une répression des affects négatifs et rendrait l’enfant incapable de verbaliser ses émotions.

Le trouble alexithymique se rencontre chez les sujets présentant une affection psychosomatique mais également chez les patients souffrant de stress post traumatique et de troubles du comportement alimentaire ainsi que chez les addicts.

Des études cliniques ont trouvé chez des sujets alexithymiques :

une limitation dans la reconnaissance des expressions faciales et des émotions,

une pauvreté de la mimique faciale lorsque ces sujets sont soumis à un état de stress,

une difficulté à percevoir les émotions d’autrui,

une association négative avec l’intelligence émotionnelle

ainsi qu’un faible niveau de conscience émotionnelle.

 

Comment reconnaitre l’alexithymie ?

Chez les alexithymiques, les émotions, les sentiments, les affects se manifestent uniquement par une sensation brute au niveau des viscères ou par une excitation corporelle. Leur expression, leur verbalisation ne sont pas possible. Etant incapables de lier leurs images mentales et pensées avec leurs émotions, les alexithymiques ne pouvant se servir du langage pour exprimer les sentiments qu’ils éprouvent.

Dans leur discours, ils tendent à donner la description détaillée des faits, en abordant plutôt les aspects triviaux des évènements vécus. Le contenu de leur pensée est pragmatique et ils peinent à l’élaborer.

Ce mode de fonctionnement s’accompagne également de symptômes somatiques. L’alexithymie est proche en effet de la pensée opératoire et de ce fait elle est présente dans les maladies psychosomatiques.

Le déficit de l’affect s’accompagne d’une vie fantasmatique pauvre qui résulte en pensée factuelle et utilitaire. Les sujets alexithymiques évitent toute situation de confrontation avec leurs émotions ce qui peut amener un désordre psychosomatique.

 

L’alexithymie et les relations

Lorsque une personne a du mal à décrire ses propres émotions, il ne lui sera pas facile de comprendre et même de remarquer celles des autres. Des signaux émotionnels sont donc difficiles à interpréter voire inaperçus par le sujet alexithymique. En conséquence, l’accès limité aux émotions entrave les transactions affectives et sociales et provoque des problèmes relationnels et une altération qualitative des interactions sociales.

La relation avec les autres est détériorée par un défaut de représentations des émotions d’autrui et un manque de capacités à appréhender l’altérité. L’incapacité à se représenter ses propres états émotionnels s’associe au manque de la capacité réflexive. L’alexithymique est dans l’incapacité plus générale de reconnaître les états mentaux, les l’éprouvé, les ressentis qui sont différents des siens propres ce qui provoque chez lui des troubles de l’empathie. Ces difficultés sont probablement en lien avec un dysfonctionnement dans les relations précoces qui empêchent la mentalisation et de symbolisation des éprouvés corporelles.

Quelles sont les causes de l’alexithymie

Chez un nourrisson, la pensée et la capacité de se représenter les choses n’existe pas encore. Il réagit à ce qu’il ressent essentiellement par la motricité, par le mouvement ou par le corps (la psychosomatique). Ce mode de réaction est naturel avant toute ébauche du langage. L’activité proprement psychique du sujet se développe à partir de la représentation et de la symbolisation qui permettra la mentalisation. La capacité de mentalisation permet ensuite d’exprimer les contenus psychiques par la parole. Lorsque des dysfonctionnements précoces entravent les processus de la représentation et l’expression, la communication dés émotions s’en trouve altérée.

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Dans la perspective psychanalytique, A. Green lie la genèse de l’alexithymie avec le désinvestissement de l’enfant par la mère en dépression – que Green appelle la «mère morte». L’enfant perçoit cette situation comme une perte d’amour maternel, un réel trauma qui entraine la perte de sens très angoissante. L’enfant angoissé tente de ranimer sa mère émotionnellement éteinte. D’autre part la mère déprimée ne peut répondre de manière adéquate aux besoins de l’enfant qui sera alors envahi d’éprouvés inquiétantes. Elle n’aide pas l’enfant à représenter, symboliser ou nommer ses éprouvés corporels qui, en conséquence, ne pourront pas être nommé par la suite.

 

La répression des émotions et l’alexithymie ?

Un enfant a une spontanéité naturelle et exprime vivement ses émotions. Quand il est malheureux, le petit enfant pleure très fort quels que soient le lieu et la situation. Un élément important du développement est de donner à l’enfant la capacité de contrôler ses propres émotions et de les exprimer d’une manière à la fois saine et respectueuse d’autrui.  Toutefois, lorsque les enfants sont privés de manière trop répressive de leur droit à la spontanéité et à l’expression, ils commencent à inhiber leurs émotions.

L’inhibition émotionnelle peut également s’installer lorsque, en exprimant ses émotions, au lieu d’un soulagement, l’enfant éprouve une escalade d’émotions. Cela se produit par exemple quand le parent réprime ses propres émotions. L’enfant, observant le parent, adopte alors une attitude de répression où la rationalité passe avant la spontanéité.

Lorsque l’enfant est grondé et se sent honteux pour avoir exprimé des émotions, il développera aussi un trouble de gestion émotionnelle. Les commentaires répétés tels que « pleurnicheur » ou « mauviette » ou des moqueries amènent l’enfant à réprimer ses émotions. Il associe la révélation d’émotions à une désapprobation par l’environnement.

Réprimer les émotions devient une alors pour l’enfant une façon de se protéger. Dans notre culture, cela est particulièrement vrai pour les garçons.

Un mécanisme similaire peut également se développer lorsqu’un enfant se trouve dans des situations où son parent perd le contrôle de ses propres émotions. Observer son parent dans un tel état, d’une part traumatise l’enfant et, d’autre part, contribue à le couper de ses émotions.

Dans des familles où il y a de la violence, la spontanéité peut conduire un enfant qui s’exprime à subir de l’agression. Un jeu sonore, des pleurs ou des rires peuvent attirer l’attention de l’agresseur qui peut alors crier très fort, frapper ou blâmer l’enfant. Pour l’enfant, il vaut donc mieux se taire et ne pas provoquer.

 

L’alexithymie – avec ou sans émotions

Savez-vous toujours quelle est la qualité de vos émotions ? Pouvez-vous toujours déterminer quelle est l’émotion que vous ressentez. Pouvez-vous parler plutôt librement de vos émotions ? Pouvez-vous les montrer à d’autres personnes ? Que ressentez-vous dans des situations où les gens montrent de l’affection ?

 

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