L’alexithymie c’est la difficulté à identifier et à décrire ses propres états émotionnels mais aussi les émotions des autres. L’alexithymie présente une grande variabilité symptomatologique ainsi qu’un caractère transnosographique. Appelée également « l’agnosie émotionnelle », elle est en effet associée à de nombreux troubles psychiques ou psychosomatiques.
Étymologiquement le terme alexithymie signifie l’absence de mots pour les émotions. Il se compose du a privatif, lexis pour parole et thymos – l’âme en tant que siège de l’intelligence émotionnelle. Ce concept d’alexithymie désigne l’absence de mots pour les émotions.
Ce mode de fonctionnement mental se caractérise par
– incapacité à exprimer verbalement les émotions ou les sentiments voire à les identifier,
– incapacité à différencier ses états affectifs des sensations corporelles liées aux émotions,
– limitation de la vie imaginaire, limitation d’accès à sa vie fantasmatique et l’absence de rêveries,
– une pensée à contenu pragmatique,
– mode d’expression très factuel consistant en une description détaillée des faits, événements ou symptômes physiques,
– recours à l’action pour soulager les tensions, pour éviter ou résoudre les conflits, ou encore pour exprimer les émotions.
Sifnéos distingue d’une part l’alexithymie primaire, comprise comme traits de personnalité ou d’origine neurologique, et l’alexithymie secondaire, d’origine psychique. Cette dernière se serait développé suite à une expérience traumatique subite à l’âge pré-verbal qui entrainerait une répression des affects négatifs et rendrait l’enfant incapable de verbaliser ses émotions.
Le trouble alexithymique se rencontre chez les sujets présentant une affection psychosomatique mais également chez les patients souffrant de stress post traumatique et de troubles du comportement alimentaire ainsi que chez les addicts.
Des études cliniques ont trouvé chez des sujets alexithymiques :
une limitation dans la reconnaissance des expressions faciales et des émotions,
une pauvreté de la mimique faciale lorsque ces sujets sont soumis à un état de stress,
une difficulté à percevoir les émotions d’autrui,
une association négative avec l’intelligence émotionnelle
ainsi qu’un faible niveau de conscience émotionnelle.
Comment reconnaitre l’alexithymie ?
Chez les alexithymiques, les émotions, les sentiments, les affects se manifestent uniquement par une sensation brute au niveau des viscères ou par une excitation corporelle. Leur expression, leur verbalisation ne sont pas possible. Etant incapables de lier leurs images mentales et pensées avec leurs émotions, les alexithymiques ne pouvant se servir du langage pour exprimer les sentiments qu’ils éprouvent.
Dans leur discours, ils tendent à donner la description détaillée des faits, en abordant plutôt les aspects triviaux des évènements vécus. Le contenu de leur pensée est pragmatique et ils peinent à l’élaborer.
Ce mode de fonctionnement s’accompagne également de symptômes somatiques. L’alexithymie est proche en effet de la pensée opératoire et de ce fait elle est présente dans les maladies psychosomatiques.
Le déficit de l’affect s’accompagne d’une vie fantasmatique pauvre qui résulte en pensée factuelle et utilitaire. Les sujets alexithymiques évitent toute situation de confrontation avec leurs émotions ce qui peut amener un désordre psychosomatique.
L’alexithymie et les relations
Lorsque une personne a du mal à décrire ses propres émotions, il ne lui sera pas facile de comprendre et même de remarquer celles des autres. Des signaux émotionnels sont donc difficiles à interpréter voire inaperçus par le sujet alexithymique. En conséquence, l’accès limité aux émotions entrave les transactions affectives et sociales et provoque des problèmes relationnels et une altération qualitative des interactions sociales.
La relation avec les autres est détériorée par un défaut de représentations des émotions d’autrui et un manque de capacités à appréhender l’altérité. L’incapacité à se représenter ses propres états émotionnels s’associe au manque de la capacité réflexive. L’alexithymique est dans l’incapacité plus générale de reconnaître les états mentaux, les l’éprouvé, les ressentis qui sont différents des siens propres ce qui provoque chez lui des troubles de l’empathie. Ces difficultés sont probablement en lien avec un dysfonctionnement dans les relations précoces qui empêchent la mentalisation et de symbolisation des éprouvés corporelles.