Addiction et souffrance psychique

L’addiction et la souffrance psychique sont intimement liées. En effet, l’addiction découle toujours de la souffrance psychique et constitue une défense de nature psychosomatique face à la douleur morale. La théorisation proposée par Joyce McDougall nous aide à penser ce qui se dégage au travers les rencontres avec les patients addictés. Effectivement l’addiction possède une signification et une utilité pour le sujet : « L’économie addictive vise la décharge rapide de toute tension psychique, que sa source soit extérieure ou intérieure.»[1]

La vraie question à laquelle la psychothérapie doit répondre n’est pas « pourquoi je suis addict, d’où vient ma dépendance ?  mais « d’où vient ma douleur morale ou pourquoi je souffre autant ? »

Addiction et souffrance psychique

Addiction et souffrance psychique  

Un produit psychoactif peut apporter un soulagement de la souffrance, un apaisement émotionnel et produire une sensation de plaisir. C’est un pic temporaire de dopamine dans le cerveau qui procure la sensation de plaisir, d’être vivant, dynamique et fort. Cette sensation va créer un nouveau besoin, une envie de reprendre. La personne va donc recommencer malgré les conséquences négatives de son comportement et cette répétition mène à la dépendance.

Les conduites addictives sont liées à une insuffisance d’élaboration psychique dont la genèse se trouve dans les interactions précoces. Dans un environnement inadéquat, caractérisé par un manque de présence (par exemple une mère déprimée) ou par une présence étouffante, l’enfant, futur sujet addicté, ne parvient pas à intérioriser la fonction contenante de la mère. Il se tourne alors vers les objets externes ou les sensations afin de contenir le débordement par affect. Le sujet addicté vit comme intolérables certains états affectifs qu’il est incapable d’élaborer mentalement.

Les difficultés de représentation et d’élaboration psychique provoque le recours à un objet extérieur afin d’attenuer la tension interne. Il lutte par ses actes addictifs contre la douleur psychique à laquelle il est confronté. C’est donc l’échec d’introjection de la fonction contenante maternelle ainsi que l’investissement des objets externes et du sensoriel qui se substitue à l’objet, qui prédisposent le sujet à s’asservir au produit.

L’objet addictif 

L’objet addictif reste toujours partiel, archaïque, indifférencié et asexué. Son caractère fétichique, prothétique le rapproche de l’objet de la perversion. L’addiction a un rôle défensif, l’objet d’addiction remplace « l’objet interne » défaillant. De ce fait le sujet doit le remplacer sans cesse car il ne parvient pas à symboliser et intérioriser l’objet d’amour.  En absence de l’objet interne, l’objet externe ne peut soulager la souffrance psychique que temporairement.

L’objet ou le comportement addictif est disponible à tout moment pour répondre au besoin que ressent le sujet de se débarrasser de toute émotion par la voie la plus courte. Tristesse, angoisse, désespoir mais aussi affectes positifs lorsque leur intensité dépasse la capacité d’élaboration psychique du sujet, se trouvent écartés de la mentalisation. Les émotions sont expédiées par une abréaction qui court-circuite l’élaboration psychique.

En faisant économie du travail psychique de ces actions deviennent compulsives et entraînent donc la dépendance. Le sujet tente de se soigner et se protéger de la douleur mentale en utilisant un objet, un produit ou un comportement. Lorsqu’il croit qu’il n’a pas les moyens d’agir sur les causes de sa souffrance et pour éviter la blessure narcissique, il tentera de se soulager par l’addiction. Elle intervient donc comme une recherche de protection contre l’anxiété et contre la désorganisation psychique. Elle est uniquement un moyen d’agir sur l’éprouvé, d’anesthésier la douleur, un coupe circuit dans l’élaboration des affects par trop intenses.

[1] McDougall, J. «L’économie psychique de l’addiction», in Vladimir Marinov Anorexie, addictions et fragilités narcissiques, Paris, PUF, 2001, p 12

[2] McDougall, J. Théâtre du Je, Paris, Gallimard 1982, p. 16

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