Malgré le peu d’intérêt théorique pour la question de la dépendance (qui semble l’avoir trop touché sur le plan personnel pour qu’il ait pu l’élaborer), Freud a donné au détour de ses écrits quelques éléments de compréhension. Ainsi, dans Deuil et Mélancolie il propose de comprendre l’addiction comme une « suppression des dépenses de refoulement, obtenue par des moyens toxiques ». Plus tardivement, dans Malaise dans la civilisation, en qualifiant les toxiques de « briseurs de soucis », d’« échafaudages de secours », de « méthode chimique », « l’une des plus intéressantes méthodes de protection contre la souffrance », Freud reconnaît la fonction protectrice des processus d’addiction.
Cette piste, parmi d’autres qu’il a données, se rapproche des conceptions récentes selon lesquelles les toxiques auraient un rôle de solution prothétique contre la douleur psychique permettant au sujet de faire l’économie du travail psychique.
Cette conception de la fonction économique de l’addiction dans le fonctionnement psychique comme protection contre les angoisses a été développée par Edward Glover. Elle sera reprise et enrichie notamment par Margaret Little qui souligne que le soulagement de la souffrance psychique apporté par les produits psycho-actifs peut mener à la mise en acte compulsive qu’est la dépendance addictive.
Joyce McDougall a pu, à partir de sa pratique clinique, élaborer une conception de l’addiction comme aménagement défensif.
Fonction autothérapeutique des addictions
Les addictions sont un pansement pour la psyché et notamment pour soigner le narcissisme défaillant du sujet addicté. La séparation est pour lui impossible mais le lien avec l’objet est très difficile à gérer. L’échec du processus d’individuation est responsable du maintien du sujet addicté dans la dépendance aux objets lesquels du fait sont perçu comme menaçants et remplacés par des produits supposés faciles à contrôler. Ce remplacement se produit souvent à l’adolescence qui est un moment charnière dans les réaménagements d’identité et relationnels. La tentation est grande de le remplacer les objets d’amour primaires (parents) par un objet extérieur susceptible d’apporter un soulagement. Le sujet devient dépendant lorsque ces conduites utilisant la réalité perceptivo-motrice comme contre-investissement d’une réalité interne défaillante deviennent une forme de réponse prédominante. Comme tous les mécanismes de défense, la fuite addictive ne devient problématique qu’à partir du moment où elle est excessive et quand elle devient la seule solution dont le sujet dispose pour supporter la souffrance psychique. Elle devient à la fois remède et poison et cette forme d’automédication représente un danger pour la psyché et pour le soma.
Addiction comme aménagement défensif