La somatisation

La somatisation est un processus par lequel les états émotionnels s’expriment à travers le corps. C’est une réaction naturelle de l’être humain face à un trop plein d’excitation, d’origine interne et/ou externe, par exemple face à l’angoisse ou au stress.  La somatisation provoque alors des désorganisations somatiques plus ou moins graves et attaque le corps par toutes les manifestations fonctionnelles plus ou moins réversibles. Le nourrisson angoissé réagit en faisant des coliques ou des exémas ou encore en vomissant. Nos premières réactions au stress de la vie sont en effet somatiques, et bon nombre d’entre elles perdurent tout au long de la vie. La somatisation est responsable de grand nombre de symptômes médicalement inexpliqués.

somatisation illustrée par Bosch, Le Jardin des délices - détail

Jérôme Bosch, Le Jardin des délices – détail

La mise en maux remplace la mise en mots

Le petit infant n’a pas encore à sa disposition de mots pour exprimer ce qu’il ressent. Il utilise donc, tout naturellement, la somatisation pour exprimer ses douleurs psychiques car il n’a pas de mots pour le dire. Toute surcharge d’excitations peut facilement déborder ses capacités d’élaboration psychique et en conséquence déclencher le mécanisme de somatisation. La douleur psychique devient alors douleur physique.

Lorsque les jeunes enfants sont aidés par leur entourage, surtout par la mère à absorber, mentaliser et exprimer leurs émotions, ils n’ont pas de décharges dans le corps. Plus la mère, par des procédés calmants et des mots apaisants, soutient la fonction de mentalisation et l’élaboration de l’émotion et moins il exprime par le corps. Plus les enfants disposent de parole et l’utilisent et moins ils présentent de somatisations.

Mais si l’entourage ne les encourage pas à exprimer les émotions et les sentiments, les enfants garderont cette tendance à les exprimer à travers le corps. Ils le font alors soit par les maladies soit à travers les comportements.

 

Tout est dans ta tête ?

La somatisation n’est nullement la simulation, c’est une manière inverbale d’exprimer la souffrance émotionnelle. L’enfant ne fait pas semblant d’être malade afin d’éviter une responsabilité ou d’obtenir de la sympathie.

Cela ne signifie pas non plus que le problème se trouve « dans votre tête ». En effet, lors d’un événement stressant ou traumatique, le cerveau est inondé de glucocorticoïdes. Ceci a de multiples conséquences sur différents systèmes, par exemple, le système gastro-intestinal, le système circulatoire, le système immunitaire, le système endocrinien. La peau, la respiration, le cœur sont également activés de différentes manières sous des pressions émotionnelles. C’est pourquoi le fait de rougir par exemple, est tout simplement une réponse automatique au sentiment de honte qui provoque une excitation corporelle.

La somatisation conduit à l’expression atypique ou masquée de la souffrance morale, de la dépression, de stress post-traumatique ou encore de l’anxiété. En effet, beaucoup de symptômes de la dépression sont somatiques : la migraine, l’insomnie, la fatigue, des douleurs ou des troubles gastro-intestinaux.

Dans certaines affections cardiaques, appelées aussi « névroses cardiaques », le rythme cardiaque est perturbé sans qu’il y ait une cause organique. Le patient croit avoir à une maladie de cœur, tellement les sensations sont fortes et désagréables.

somatisation

Somatisation versus conversion hystérique

Le processus de la somatisation diffère du celui de la conversion hystérique même si les deux font parler et souffrir le corps.

Pour Freud, les symptômes somatiques issus du processus de la somatisation sont « dénués de sens ». Alors que la conversion est une expression symbolique d’un conflit interne ou d’un autre mouvement psychique. Dans la somatisation, l’excitation émotionnelle, qu’elle soit liée à la tristesse, à l’agressivité, à la culpabilité ou tout autre émotion, ne pouvant pas être mentalisée, déborde dans le corps. Alors que la conversion parvient à exprimer, de manière symbolique et sans respecter les localisations anatomiques, un conflit inconscient. La même personne peut toutefois utiliser l’un et l’autre mode de transformation de le souffrance psychique en souffrance du corps, en usant par exemple de l’hystéricisation secondaire.

 

Le silence des émotions

La lente maturation du langage permet, petit à petit, à l’enfant de décrire ses expériences émotionnelles qui sont à l’origine ressenties comme une excitation corporelle. Si l’enfant reçoit peu d’aide pour apprendre à reconnaitre et exprimer ses émotions, les réponses physiques automatiques resteront le seul langage pour transcrire les états d’activation émotionnelle.

Cette absence de mots pour exprimer l’affect est appelée l’alexithymie et elle peut persister à l’âge adulte, en empêchant la personne d’exprimer ses tensions internes.

Il est difficile dans ces conditions de penser son chagrin, de l’élaborer, de faire le lien entre l’affect et l’image ou le mot qui le désigne.

La souffrance psychique aboutit alors au symptôme somatique et la personne tombe malade au lieu de réagir par un symptôme psychique, ce que Freud a appelé « le saut dans le somatique« .

 

La somatisation découle en partie de processus d’inhibition émotionnelle ou de l’utilisation inconsciente de mécanismes de défense qui conduisent à nier, à ignorer ou à déplacer sa détresse psychique. En effet, dans plusieurs communautés, exprimer sa souffrance n’est pas autorisé. En revanche, présenter des plaintes somatiques n’est pas vécu comme interdit et n’est donc pas inhibé.

Le style d’attachement insécure, un sentiment de soi fragile ou encore des antécédents de traumatisme dans l’enfance sont souvent associés à la somatisation. Par exemple, d’importantes affections psychosomatiques sont déclenchées par des expériences d’abus sexuels, ou de maltraitances qu’elles soient physiques ou émotionnelles. Ces événements traumatisants entrainent une charge pulsionnelle trop importante pour être mentalisée. En conséquence, ils provoquent un état de sidération qui peut engendrer le blocage émotionnel plus ou moins permanent.

De plus, lorsque la vie est dure à supporter, le système immunitaire peut s’effondrer. C’est pourquoi nous tombons malade pendant ou après une période du stress intense ou de surcharge émotionnelle.

 

La psychothérapie dans le cas de la somatisation

C’est pourquoi la psychothérapie permet d’éviter de réagir au stress en tombant malade.

La fragilité physique chronique peut également être vaincue par la psychothérapie, lorsqu’elle résulte de la somatisation. Certains patients viennent en psychothérapie en dernier recours seulement parce que rien d’autre n’a réussi à soigner leur côlon irritable ou leurs douleurs chroniques. Cela arrive après avoir tenté, sans succès aucun, moult traitements symptomatiques. Traiter chimiquement des céphalées ou des éruptions cutanées qui sont liés à des tensions émotionnelles ne peut pas les soigner efficacement. Ces traitements symptomatiques ne font que mettre une couverture sur la source de la souffrance, ils aident seulement à soulager les symptômes temporairement.

En revanche, la psychothérapie par la parole, notamment les thérapies psychanalytiques et humanistes sont plus efficaces. En effet, elles offrent un espace pour l’expression des sentiments et des émotions qui encombrent ou bloquent la dynamique psychosomatique.

Grâce aux échanges avec le psychothérapeute le patient rétablit le contact avec les affects réprimés et peut restaurer l’harmonie dans la vie affective. Par la thérapie il apaise ses émotions et réduit les tensions qui sont à l’origine du déclenchement des maladies.

Les techniques de psychothérapie à médiation corporelle ont un rôle facilitateur dans une première approche de soins de maladies psychosomatiques.

Pour les patients qui somatisent depuis toujours, qui souffrent physiquement car n’ont pas la capacité d’exprimer leurs affects, le psychothérapeute peut avoir besoin de beaucoup de temps avant de pouvoir les aider.

Pour en savoir plus sur la somatisation et le rôle de la psychothérapie dans la prévention et dans les soins des maladies psychosomatiques lisez l’article sur les maladies-psychosomatiques.

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